La bataille de
THACHIVOUNT
DU 08 OCTOBRE 1959
Tachibounte est un petit bois, à
vrai dire un bosquet, qui surmonte une crête avec des falaises abruptes et des
ravins sauvages. Elle est située non loin d’Aghrib et du gros village
Taboudouchte. Elle est limitée au nord par le village d’Adrar et à l’est par le
gros village d’Azrou. Le village d’Aït Bouali de Freha n’est pas loin non plus
,ainsi que les village Mira et Ait Gouaret de TIMIZART
Nous sommes en pleine opération «
Jumelles », et déjà les effets désastreux de la sédition des officiers libres
se font sentir et remuent dangereusement les rangs de l’ALN. Une réunion
regroupe des moudjahidine au village de Timerzouga, c’est une réunion
informelle initiée par l’aspirant Si Abderrahmane Arrous, membre du conseil du
commandement de la Région 3, Zone III. Il invite à cette réunion les chefs des
secteurs et déjà deux d’entre eux sont présents. Il s’agit de Si Mouh Saïd
Boudoukhane et de Si El Hanafi dit « Habachi ». L’autre chef de secteur, Si
Ouakli Kesri, de Sidi Naâmane a été retardé. L’ordre du jour de cette réunion
improvisée est communiqué aux participants, il s’agit de juger l’un des leurs,
un aspirant de surcroît, pour fautes graves. En l’occurrence, il s’agit de Si
Ouali, un ancien gendarme déserteur, originaire de la Petite Kabylie et dont le
comportement a paru bizarre ces derniers temps jusqu’à offusquer certains de
ses proches et cela n’a pas échappé à la vigilance de ses compagnons. Il est
donc aux arrêts. Les moudjahidine réunis en conclave estiment qu’ils ne sont
pas qualifiés pour juger un officier, et un aspirant ne peut pas juger un autre
aspirant comme lui, il fallait donc se résoudre à réclamer l’avis des officiers
supérieurs. Si El Hanafi, adjudant-chef du secteur à l’époque fut désigné pour
prendre attache avec le haut commandement et l’instruire de cette affaire. Il
était le seul homme à connaître l’endroit où il pourrait rencontrer le
commandant Si Mohand Ouelhadj. L’endroit était revêtu du secret le plus absolu
compte tenu de la conjoncture, et approcher le commandant n’était pas chose aisée
à ce moment-là. Une section de moudjahidine l’accompagnera dans sa mission. En
attendant, les moudjahidine observent de leur coin les mouvements des troupes
ennemies stationnées à Aghrib et ses environs. Lorsque Si El Hanafi est de
retour, il est surpris par la lumière du jour, il est dans l’obligation de
faire halte et stationner du côté de Freha et dépêcher deux estafettes pour
porter le courrier.
Le commandant Si Mohand Ouelhadj
a été contacté, et dans sa réponse, il explique que la situation qui prévaut
donne légitimation aux moudjahidine de la Région 3 réunis à Timerzouga de
constituer un tribunal et de juger l’officier indélicat. L’affaire est réglée
rapidement. Le tribunal est constitué et rend son verdict. L’accusé est
condamné et exécuté. L’imprimé « Arrêt de mort » est rempli. Il indique le
président du tribunal, l’accusateur, le défenseur, les témoins et le greffier
(le secrétaire de séance). Les djounoud s’apprêtaient à rejoindre la magnifique
forêt de Tala Igouraouène, leur lieu de prédilection, pour trouver un refuge
sûr pour séjourner dans la journée du lendemain. Mais l’aspirant Si
Abderrahmane Arrous les dissuada. Ils demeureront donc sur place en se
répartissant dans les chaumières des alentours. Les documents de la réunion sont
portés dans une serviette et placés en lieu sûr à quelques encablures de là
dans un abri au loin dans une localité en contrebas. Le lendemain, la cavalerie
ennemie stationnée au poste militaire de Mira sort en opération et se dirige
tout droit vers cette localité située en retrait des gros villages de la région
et en zone découverte. Y a-t-il eu dénonciation ou bien est-ce une opération de
routine ? L’ennemi arrive à localiser l’abri et les soldats tuent les deux
secrétaires qui s’y étaient réfugiés et qui sont étrangers à la région.
Encouragés, les soldats continuent à fouiller et à creuser et parviennent à
découvrir la serviette et les documents qu’elle contenait. L’ennemi sait
maintenant que les moudjahidine ne sont pas très loin et qu’ils sont assez nombreux.
Il monte tout de suite une opération de ratissage et ses troupes stationnées
dans les postes et camps militaires sont en état d’alerte. Les soldats du poste
militaire d’Aghrib sortent du camp et trompent la vigilance des guetteurs aln
en jouant de ruses. Ils font mine de se diriger vers le sud, alors qu’en fait,
ils rebroussaient chemin par des voies détournées pour aller rejoindre leur
objectif primordial, à savoir atteindre le chemin des crêtes au nord qui
coupera la retraite aux djounoud qui voudront rejoindre Tala Igouraouène. Les
moudjahidine seront donc pris au piège et n’auront d’autre alternative que de
se réfugier dans la forêt de Tachibounte. Pendant ce temps, l’ennemi a achevé
ses préparatifs, et très tôt le matin du 8 octobre 1959, le ratissage s’annonce
par les bombardements d’artillerie lourde et par la ronde infernale des T6, des
Moranes jaune et noir ! Les hélicoptères de type Sykorsky et Banane ne sont pas
en reste ; ils interviennent dans le transport des troupes pour les déposer sur
les crêtes des montagnes environnantes. Les djounoud maintenant se sont
retranchés au milieu de la forêt et chacun d’eux a choisi son abri personnel
pour combattre. Dans leur majorité, ils sont armés de fusils de guerre de type
américain Garant ou français Mas 49 et des pistolets mitrailleurs Mat 49 mieux
appropriés pour les combats de proximité et surtout en forêt. Ils constituent
au total une section de 27 combattants auxquels s’ajouteront quelques détachés.
Les premiers coups de feu ne vont
pas tarder à retentir dès que les premiers éléments de la troupe française
pénètrent dans la forêt et se rapprochent dangereusement à la portée des fusils
meurtriers des moudjahidine. La bataille qui débute enregistrera
l’anéantissement total de cette section ennemie qui s’est hasardée trop
confiante au cœur de la forêt. Comme toujours et en pareilles circonstances,
l’ennemi retire ses fantassins et confie à l’aviation et à l’artillerie le soin
de continuer le combat. Il durera toute la journée et une partie de la nuit
avec l’utilisation des fusées éclairantes. Devant la résistance acharnée des
djounoud et de leur obstination à combattre jusqu’à épuisement des munitions
disponibles et devant leur endurance, l’état-major opérationnel ennemi a eu
recours aux renforts qui augmenteront considérablement le nombre des
assaillants. Le combat s’achèvera le lendemain 9 octobre au matin. Les pertes
sont lourdes de chaque côté, mais elles ne furent pas évaluées du côté français
parce que les corps ont été ramassés et transportés jusque dans les postes
militaires. Par contre, les pertes des moudjahidine sont considérables : toute
la section a été neutralisée avec 22 chouhada et 5 blessés faits prisonniers.
Dans sa vindicte, l’armée française, qui pleure ses soldats morts au début de
la bataille, utilise des villageois comme bouclier pour pénétrer dans la forêt
et pour participer au ramassage des corps des soldats tués. Ils seront abattus
à leur tour pour empêcher la divulgation du nombre des pertes françaises, il y
aura donc au total 29 chouhada. La zone de Tachibounte sera déclarée zone
interdite et les villages environnants seront évacués. La population sera
regroupée dans des centres créés à Tala Tegana et à Timerzouga. Un poste
permanent est installé au village Adrar pour la surveillance continuelle de
cette zone interdite.
Voici les
noms des chouhada de cette bataille mémorable : Boudjemaâ d’Aït Bata (Abizar),
Abderrahmane Arrous (Larbaâ Nath Irathen), Si Saïd Bounamane (Assif El Hammam),
Ghezzaz Amar dit le Chinois (Mizrana), Oumetchi Ahmed (Tifra), Tissegouine
M’hand (Ibdache), Mikrouche Ali (Ibdache), Tizrairat Saïd (Tifra), Aït Abba
Rabah (Ighil M’henni), Ouakouak Belaïd (Adrar), Lounis Saïd (Tala Tegana),
Iguer Ramdane (Tala Tegana), Agouni Nessouk Boudjemaâ (Azerou), Djoughali
Arezki (Tala Tegana), Saber Pacha Mokrane, Djoughali Mouloud (Tala Tegana),
Mouh Nali Oumeziane, Saïd Ourezki, Amar Tessanate, Aït Amar Hidouche, Oubatite
Saïd, Si M’hand Nath Aïssi, Si Ali Ouahmed, Djoughali Amar (Tala Tegana), Si
Ouali Ihnouchène, Rabah Oumetchi.
Les 5 blessés faits prisonniers sont : Ouguenoune Saïd dit Saïd Boudhrar, Si
Mouh Saïd N’tboudoucht, Boudoukhane, Tighedine Arezki dit Arezki N’taouinte,
Ibouchoukane Tahar du village Adrar, Abdellaoui Hadh Ahmed du village Ibeskrine.
Si Saïd Bounamane (Assif El Hammam) son nom de famille : AOUALI
Par Salah Mekacher