se fixa chez les
Flisset-el-Bahr et les Beni-Djenad, fortes tribus
situées sur le bord de la mer. La précédente expédition avait
laissé leur territoire intact ; elles entamaient à
peiné les premiers pourparlers de soumission, lorsque
la nécessité d’en finir sur ce point devenant de plus en
plus urgente, on avait fait le sacrifice de cette affaire
accessoire, en les incorporant, sans autre
négociation, dans l’aghalik de Taourga. Par suite, notre
autorité sur eux n’était encore que
nominale.
Au mois d’octobre 1844, le général Comman,
dirigeant la colonne de Dellys, crut devoir pousser une reconnaissance dans
cette région inconnue. Il partit avec 1500 hommes
sans sacs, ne se croyant exposé à rencontrer que
les forces locales ; mais l’excitation régnante avait
réuni cinq à six mille montagnards. Bientôt le général
Comman les aperçut, garnissant des hauteurs
très-fortes et prêts à les défendre
avec opiniâtreté ;
car ils avaient compté notre petite troupe. Les
dispositions de l’attaque furent immédiatement prises et même bien combinées ;
mais un manque d’accord dans l’exécution fi t payer le succès trop cher.
La position de l’ennemi pouvait être
tournée par la droite. Deux
bataillons du 58e et 150 chasseurs d’Afrique sont
lancés dans cette direction ; malheureusement, arrêtés, égarés par des obstacles
de terrain, ils mettent un temps énorme à opérer leur mouvement concentrique.
Dès lors, deux bataillons du 53e, aux ordres du colonel Saint-Arnaud, qui ont
exécuté l’attaque, de front et pris possession des crêtes après avoir essuyé à
dix pas le feu des montagnards, se trouvent soutenir, au nombre de six cents,
tout le poids du combat contre
des masses considérables. Quoique enhardis par l’isolement
de cette faible colonne, les Kabyles ne
parviennent pas à lui reprendre leur terrain ; mais ils
lui mettent, hors de combat, vingt-six hommes atteints
mortellement et cent-cinquante blessés, dont
dix-sept officiers les pertes s’élèvent très-haut de leur
côté ; cependant ils ne lâchent prise qu’à l’approche
tardive de la colonne enveloppante. Le théâtre du combat,
chèrement acheté, reste en notre pouvoir ;
toutefois, le corps expéditionnaire, déjà
trop minime au
début, et plus que décimé dans cette rencontre, ne peut continuer son offensive
: il est contraint de se
replier sur Dellys.
qu’il attache aux
moindres apparences de revers en
Kabylie, le décide
à s’y rendre lui-même, accompagné
de quelques
renforts. Le 27 octobre, il se trouve en face des
positions où le combat qui vient d’être décrit s’était
livré dix jours auparavant.
Le bruit avait couru que l’ennemi nous y
attendait
de nouveau ; mais
on le trouva seulement une
lieue plus loin,
dans un site encore plus difficile, retranché derrière des parapets en pierre
sèche, le long
des crêtes
rocheuses et boisées qui dominent le village
d’Abizar. Ses
forces ne montaient pas au-delà
de trois mille
hommes, la présence de notre cavalerie
l’ayant privé de
plusieurs contingents, qui ne pouvaient
opérer leur
jonction qu’en traversant des localités
où une charge était
exécutable.
Toutefois, le Maréchal jugeait les
obstacles matériels
si grands, qu’il
déclara sortir, en s’y heurtant, des
vrais principes de
la guerre pour obéir à une nécessité
politique, celle de
convaincre les Kabyles qu’aucune
de leurs retraites
ne nous était inaccessible. Le convoi
fut massé dans un
entonnoir couvert par des rochers
que nos tirailleurs
occupèrent avec l’appui de deux
bataillons : l’infanterie
déposa ses sacs.
Cette fois la disproportion numérique étant moins forte, l’attaque
se proposa de déborder tout à
la fois les ailes
et d’écraser directement un point de la ligne. Le
colonel Gachot, avec deux-bataillons et deux obusiers de
montagne, est dirigé de manière à tourner la gauche
des Kabyles. Le colonel Blangini, avec son régiment,
deux obusiers et la cavalerie, aux ordres du colonel
Jusuf, opère un mouvement semblable contre la droite
ennemie, pendant que le Maréchal lui-même se propose
de l’aborder de front.
Quatre pièces de montagne commencent en
effet à l’ébranler, et
aussitôt trois bataillons, lancés au pas de course,
gravissent les pentes, s’accrochent aux buissons,
escaladent les rochers et deviennent maîtres de la position par
le seul fait de leur audace qui a stupéfié les
défenseurs.
Cette droite rompue est en partie refoulée
sur le centre, en partie
sur la colonne enveloppante dont la cavalerie fait d’incroyables
efforts pour traverser d’affreux terrains,
et parvient à sabrer une cinquantaine de fuyards. L’ennemi
n’a pas tenu sur la Gauche ; il fuit de tous
côtés avec une perte de cent-cinquante à deux cents
hommes. La nôtre est fort légère, eu égard à
la nature des lieux. « Ce champ de bataille, disait le
rapport au Ministre, représente admirablement le chaos. Quoique le combat n’ait
pas duré deux heures,
il a fallu toute la journée pour rallier les troupes. »
Les chefs des Beni-Djenad et des
Flisset-el-Bahr ne se firent point
attendre. L’aman leur fut donné, mais à condition qu’ils
verseraient l’impôt de suite ; en sorte que leur
soumission se trouva reportée, pour ainsi dire, à l’époque de son
enregistrement fictif.
- Flisset-el-Bahr: Iflissene
- Beni-Djenad: Ait Djennad
-Taourga: village entre Boumerdes et Tizi-ouzou
-Abizar: le plus grand village des Ait Djennad
/source: "La grande Kabylie; Etude historique" publié en 1847
de M.Daumas:Colonel de spahis, directeur central des affaires arabes à Alger
et M. FABAR: Capitaine d’artillerie, ancien élève de l’École Polytechnique
Par MEHALA Sofiane
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